Refus de France Travail à la demande d’indemnisation d’un dirigeant
Analyse d’une jurisprudence
Pour bénéficier des allocations chômage, le dirigeant salarié doit, à ce titre, faire une demande auprès de France Travail (pôle emploi) et, notamment, apporter la preuve d’un lien de subordination. Toutefois, un refus de France Travail à la demande d’indemnisation d’un dirigeant est possible si les éléments apportés sont insuffisants.
En matière d’assurance chômage, les dirigeants d’entreprise ne peuvent pas, en principe, bénéficier des allocations chômage de France Travail (pôle emploi). Ce n’est qu’en cas de cumul du mandat social avec un contrat de travail que le dirigeant peut espérer en bénéficier.
Dans ce cadre, le dirigeant peut, dans un premier temps, déposer une réclamation et se rapprocher d’un médiateur. En dernier recours, il peut assigner France Travail en justice pour qu’un juge se prononce sur le bénéfice des allocations et ordonne à France Travail de les verser. Le juge va alors analyser si le dirigeant cumul effectivement son mandat social avec un contrat de travail.
Afin d’appréhender les suites et les conséquences d’un refus de France Travail, nous analysons pour vous un arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui a été amenée à se prononcer sur cette problématique (CA Versailles, 8 septembre 2017, n° 15/04755).
Les faits et la procédure
En l’espèce, une gérante non-associée d’une société et masseuse a fait l’objet d’un licenciement pour motif économique. Suite à la perte de son emploi, elle a déposé auprès de France Travail une demande afin d’obtenir le bénéfice des allocations de chômage.
Pour refuser la demande de la gérante, France Travail a indiqué qu’elle ne justifiait pas d’un lien de subordination avec l’entreprise qui l’emploie et qu’elle n’exerçait pas de fonctions techniques distinctes de son mandat social.
La gérante a saisi le Tribunal afin qu’un juge lui accorde le bénéfice des allocations et ordonne à France Travail de les lui verser. Déboutant la gérante de son recours, l’affaire est amenée devant la Cour d’appel de Versailles.
Devant les juges de la Cour d’appel, la gérante affirma qu’elle exerçait au titre de son mandat social les fonctions suivantes :
- accueil des clients,
- gestion et organisation du salon de massage,
- gestion de la caisse et,
- suivi des recettes.
A contrario, la gérante affirma qu’elle exerçait des fonctions techniques de masseuse au titre de son contrat de travail et qu’elle percevait, en conséquence, une rémunération pour son travail. Enfin, elle conclut en indiquant qu’elle se trouvait dans un lien de subordination vis-à-vis de l’associé unique de la société.
De son côté, France Travail invoquait que la gérante ne démontrait pas objectivement qu’elle remplissait les conditions du cumul du mandat social avec un contrat de travail.
La décision de la Cour d’appel de Versailles
Après analyse des arguments de chaque partie, la Cour d’appel rappela tout d’abord que, par application de l’article L. 5422-13 du Code du travail, l’assurance chômage couvre tous les salariés titulaires d’un contrat de travail. A cet égard, elle rappela que le cumul d’un mandat social avec un contrat de travail n’est possible que si les fonctions salariées correspondent à un emploi effectif exercé dans le cadre d’un lien de subordination à l’égard de la société et ce en contrepartie d’une rémunération distincte de celle qui peut être allouée au titre du mandat social.
Dans un second temps, la Cour d’appel a retenu que la gérante ne rapportait ni la preuve d’un lien de subordination avec l’associé unique de la société ni qu’elle percevait une rémunération distincte de son contrat de travail.
En conséquence, la Cour d’appel de Versailles a jugé que le contrat de travail de la gérante était fictif et qu’elle ne pouvait donc pas prétendre au bénéfice des allocations de France Travail.
En conclusion…
Un mandataire social qui cumul un mandat social avec un contrat de travail n’est jamais à l’abri d’un refus de France Travail à la demande d’indemnisation d’un dirigeant.
Cette situation emporte de graves conséquences pour le dirigeant qui perd son emploi. En effet, ce dernier n’est tout simplement pas couvert contre le risque de perte d’emploi. Il ne peut donc pas bénéficier d’indemnités de chômage lui permettant de conserver son niveau de vie et lui permettre de mieux rebondir.
Les mandataires sociaux qui possèdent un contrat de travail doivent en conséquence être très vigilant. S’ils se trouvent dans une situation de cumul relativement « obscure », ces derniers doivent prendre du recul et se faire conseiller afin d’être certain de pouvoir bénéficier de l’assurance chômage de France Travail.
Ainsi, en cas de réponse négative, ils pourront se couvrir du risque de perte d’emploi en souscrivant une assurance chômage privée pour dirigeants.
Souscrire à l’assurance chômage dirigeant